Une chorégraphie des sens
Entretien avec Audrey-Anne Bouchard
Une chorégraphie des sens
Entretien avec Audrey-Anne Bouchard
En route. C’est parti !
Mon nom est Audrey-Anne Moussa. Je suis une artiste interdisciplinaire qui œuvre dans le domaine du spectacle.
J’ai d’abord travaillé comme conceptrice d’éclairage dans les milieux de la danse et du théâtre. J’ai moi-même une maladie qui s’appelle la maladie de Stargardt. Comme je n’ai pas de vision centrale, je dois constamment me rapprocher de la scène et des choses pour pouvoir capturer avec précision les choses qui sont en périphérie. Je dois aussi constamment excentrer mon regard afin de me permettre de voir.
Ça m’a amené à me poser la question : Qu’est ce qu’une personne complètement non voyante peut percevoir d’un spectacle de danse ou d’un spectacle de théâtre? Donc qu’est-ce que cette personne arrive à capturer? Qu’est-ce qui est intéressant? Et j’en suis arrivée à me poser la question : Comment pourrait-on créer et communiquer une œuvre au-delà de la relation visuelle qui prime entre le performeur et le spectateur.rice? Pour moi, c’est une manière de travailler dans un cadre où ma vision n’est vraiment pas un obstacle, mais est plutôt un avantage.
J’aime travailler en utilisant le processus de la création collective. Ça veut dire que tous les collaborateur.rie.s — des chorégraphes, des danseur.e.s, des comédien.ne.s, des auteur.rice.s et des con-cepteur.rice.s de décors, costumes et de sons — sont invité.e.s dans le studio, et on réfléchit ensemble à comment on pourrait raconter une histoire avec tous ces langages.
Alors au fil de nos explorations, on a créé ensemble notre méthode de création au-delà du visuel qui implique qu’on se bande les yeux en répétition pour faire des explorations et raconter l’espace, raconter la danse, raconter une histoire à travers nos différentes sensations, mais aussi en utilisant les différents langages artistiques — de la danse, du texte, du son, des objets, des accessoires, de la scénographie.
Après trois ans de recherche en 2019, on a présenté notre première création, notre premier spectacle interdisciplinaire et immersif qui s’intitule Camille, un rendez-vous au-delà du visuel.
Camille est un spectacle pour six spectateur.e.s à la fois (pour une très petite jauge), et les spectateur.e.s sont guidés par les performeur.e.s à entrer dans le décor de l’œuvre afin de vivre l’environnement dans lequel le personnage évolue. Les spectateur.e.s vont suivre le personnage au fil de son parcours et vivre des situations parfois abstraites, parfois concrètes, être en interaction avec des danseur.se.s, être en interaction avec d’autres personnages, manipuler des objets, et donc de bien ressentir l’histoire. L’idée n’est pas seulement écouter, mais c’est aussi être, vivre l’histoire avec le personnage. C’est vraiment intéressant pour moi de constater à quel point travailler les yeux fermés — donc de ne pas utiliser mon sens de la vue qui normalement m’amène des défis dans mon travail d’éclairagiste ou dans un spectacle conventionnel —, me donne une expertise.
« Le fait d’enlever quelque chose me donne une nouvelle compétence, ou plutôt me permet de développer une expertise de mise en scène. »
Le fait d’enlever quelque chose me donne une nouvelle compétence, ou plutôt me permet de développer une expertise de mise en scène qui est tout à fait autre, mais qui m’amène à faire des choix pour d’autres qualités que les qualités visuelles, mais dans lesquelles je me sens tout à fait à l’aise.
Je prends confiance aussi en faisant des choix esthétiques qui ne sont pas basés sur ma vue. Puis, après plusieurs heures de travail sous bandeau, j’oublie même que je n’utilise pas ma vue. Donc, ça me permet vraiment d’ouvrir tous mes sens, puis de créer des rythmes, de créer des environnements, de créer des personnages.
Je pense également que l’un de mes grands intérêts en tant qu'artiste est le passage de situations réalistes à des situations plus abstraites. Je suis vraiment intéressée à communiquer des émotions ou des états, et pas seulement une histoire avec un point A et un point B, mais parfois de juste créer une atmosphère ou un environnement qui va venir soutenir que le personnage se sent nostalgique ou que le personnage se sent désorienté.
Cette comme si cette nouvelle qui n’est pas la vue nous permet complètement de nous laisser aller davantage, puis de nous laisser porter sur ces émotions.
Une chorégraphie des sens
Une chorégraphie des sens
Entretien avec Audrey-Anne Bouchard
En route. C’est parti !
Mon nom est Audrey-Anne Moussa. Je suis une artiste interdisciplinaire qui œuvre dans le domaine du spectacle.
J’ai d’abord travaillé comme conceptrice d’éclairage dans les milieux de la danse et du théâtre. J’ai moi-même une maladie qui s’appelle la maladie de Stargardt. Comme je n’ai pas de vision centrale, je dois constamment me rapprocher de la scène et des choses pour pouvoir capturer avec précision les choses qui sont en périphérie. Je dois aussi constamment excentrer mon regard afin de me permettre de voir.
Ça m’a amené à me poser la question : Qu’est ce qu’une personne complètement non voyante peut percevoir d’un spectacle de danse ou d’un spectacle de théâtre? Donc qu’est-ce que cette personne arrive à capturer? Qu’est-ce qui est intéressant? Et j’en suis arrivée à me poser la question : Comment pourrait-on créer et communiquer une œuvre au-delà de la relation visuelle qui prime entre le performeur et le spectateur.rice? Pour moi, c’est une manière de travailler dans un cadre où ma vision n’est vraiment pas un obstacle, mais est plutôt un avantage.
J’aime travailler en utilisant le processus de la création collective. Ça veut dire que tous les collaborateur.rie.s — des chorégraphes, des danseur.e.s, des comédien.ne.s, des auteur.rice.s et des con-cepteur.rice.s de décors, costumes et de sons — sont invité.e.s dans le studio, et on réfléchit ensemble à comment on pourrait raconter une histoire avec tous ces langages.
Alors au fil de nos explorations, on a créé ensemble notre méthode de création au-delà du visuel qui implique qu’on se bande les yeux en répétition pour faire des explorations et raconter l’espace, raconter la danse, raconter une histoire à travers nos différentes sensations, mais aussi en utilisant les différents langages artistiques — de la danse, du texte, du son, des objets, des accessoires, de la scénographie.
Après trois ans de recherche en 2019, on a présenté notre première création, notre premier spectacle interdisciplinaire et immersif qui s’intitule Camille, un rendez-vous au-delà du visuel.
Camille est un spectacle pour six spectateur.e.s à la fois (pour une très petite jauge), et les spectateur.e.s sont guidés par les performeur.e.s à entrer dans le décor de l’œuvre afin de vivre l’environnement dans lequel le personnage évolue. Les spectateur.e.s vont suivre le personnage au fil de son parcours et vivre des situations parfois abstraites, parfois concrètes, être en interaction avec des danseur.se.s, être en interaction avec d’autres personnages, manipuler des objets, et donc de bien ressentir l’histoire. L’idée n’est pas seulement écouter, mais c’est aussi être, vivre l’histoire avec le personnage. C’est vraiment intéressant pour moi de constater à quel point travailler les yeux fermés — donc de ne pas utiliser mon sens de la vue qui normalement m’amène des défis dans mon travail d’éclairagiste ou dans un spectacle conventionnel —, me donne une expertise.
« Le fait d’enlever quelque chose me donne une nouvelle compétence, ou plutôt me permet de développer une expertise de mise en scène. »
Le fait d’enlever quelque chose me donne une nouvelle compétence, ou plutôt me permet de développer une expertise de mise en scène qui est tout à fait autre, mais qui m’amène à faire des choix pour d’autres qualités que les qualités visuelles, mais dans lesquelles je me sens tout à fait à l’aise.
Je prends confiance aussi en faisant des choix esthétiques qui ne sont pas basés sur ma vue. Puis, après plusieurs heures de travail sous bandeau, j’oublie même que je n’utilise pas ma vue. Donc, ça me permet vraiment d’ouvrir tous mes sens, puis de créer des rythmes, de créer des environnements, de créer des personnages.
Je pense également que l’un de mes grands intérêts en tant qu'artiste est le passage de situations réalistes à des situations plus abstraites. Je suis vraiment intéressée à communiquer des émotions ou des états, et pas seulement une histoire avec un point A et un point B, mais parfois de juste créer une atmosphère ou un environnement qui va venir soutenir que le personnage se sent nostalgique ou que le personnage se sent désorienté.
Cette comme si cette nouvelle qui n’est pas la vue nous permet complètement de nous laisser aller davantage, puis de nous laisser porter sur ces émotions.
personne interviewée
Audrey-Anne Bouchard
réalisateur et monteur
Abdurahman Hussain
Directeur de la photographie
Nick Jewell
Direction créative
Peter Farbridge et Crystal Chan
Musique
pATCHES
Extraits
De Camille, par le vidéaste Alexandre Nour-Desjardins, avec la collaboration de Laurence Gagnon Lefebvre
De Fragments, par le vidéaste Youssef Shoufan
En route. C’est parti !
Mon nom est Audrey-Anne Moussa. Je suis une artiste interdisciplinaire qui œuvre dans le domaine du spectacle.
J’ai d’abord travaillé comme conceptrice d’éclairage dans les milieux de la danse et du théâtre. J’ai moi-même une maladie qui s’appelle la maladie de Stargardt. Comme je n’ai pas de vision centrale, je dois constamment me rapprocher de la scène et des choses pour pouvoir capturer avec précision les choses qui sont en périphérie. Je dois aussi constamment excentrer mon regard afin de me permettre de voir.
Ça m’a amené à me poser la question : Qu’est ce qu’une personne complètement non voyante peut percevoir d’un spectacle de danse ou d’un spectacle de théâtre? Donc qu’est-ce que cette personne arrive à capturer? Qu’est-ce qui est intéressant? Et j’en suis arrivée à me poser la question : Comment pourrait-on créer et communiquer une œuvre au-delà de la relation visuelle qui prime entre le performeur et le spectateur.rice? Pour moi, c’est une manière de travailler dans un cadre où ma vision n’est vraiment pas un obstacle, mais est plutôt un avantage.
J’aime travailler en utilisant le processus de la création collective. Ça veut dire que tous les collaborateur.rie.s — des chorégraphes, des danseur.e.s, des comédien.ne.s, des auteur.rice.s et des con-cepteur.rice.s de décors, costumes et de sons — sont invité.e.s dans le studio, et on réfléchit ensemble à comment on pourrait raconter une histoire avec tous ces langages.
Alors au fil de nos explorations, on a créé ensemble notre méthode de création au-delà du visuel qui implique qu’on se bande les yeux en répétition pour faire des explorations et raconter l’espace, raconter la danse, raconter une histoire à travers nos différentes sensations, mais aussi en utilisant les différents langages artistiques — de la danse, du texte, du son, des objets, des accessoires, de la scénographie.
Après trois ans de recherche en 2019, on a présenté notre première création, notre premier spectacle interdisciplinaire et immersif qui s’intitule Camille, un rendez-vous au-delà du visuel.
Camille est un spectacle pour six spectateur.e.s à la fois (pour une très petite jauge), et les spectateur.e.s sont guidés par les performeur.e.s à entrer dans le décor de l’œuvre afin de vivre l’environnement dans lequel le personnage évolue. Les spectateur.e.s vont suivre le personnage au fil de son parcours et vivre des situations parfois abstraites, parfois concrètes, être en interaction avec des danseur.se.s, être en interaction avec d’autres personnages, manipuler des objets, et donc de bien ressentir l’histoire. L’idée n’est pas seulement écouter, mais c’est aussi être, vivre l’histoire avec le personnage. C’est vraiment intéressant pour moi de constater à quel point travailler les yeux fermés — donc de ne pas utiliser mon sens de la vue qui normalement m’amène des défis dans mon travail d’éclairagiste ou dans un spectacle conventionnel —, me donne une expertise.
« Le fait d’enlever quelque chose me donne une nouvelle compétence, ou plutôt me permet de développer une expertise de mise en scène. »
Le fait d’enlever quelque chose me donne une nouvelle compétence, ou plutôt me permet de développer une expertise de mise en scène qui est tout à fait autre, mais qui m’amène à faire des choix pour d’autres qualités que les qualités visuelles, mais dans lesquelles je me sens tout à fait à l’aise.
Je prends confiance aussi en faisant des choix esthétiques qui ne sont pas basés sur ma vue. Puis, après plusieurs heures de travail sous bandeau, j’oublie même que je n’utilise pas ma vue. Donc, ça me permet vraiment d’ouvrir tous mes sens, puis de créer des rythmes, de créer des environnements, de créer des personnages.
Je pense également que l’un de mes grands intérêts en tant qu'artiste est le passage de situations réalistes à des situations plus abstraites. Je suis vraiment intéressée à communiquer des émotions ou des états, et pas seulement une histoire avec un point A et un point B, mais parfois de juste créer une atmosphère ou un environnement qui va venir soutenir que le personnage se sent nostalgique ou que le personnage se sent désorienté.
Cette comme si cette nouvelle qui n’est pas la vue nous permet complètement de nous laisser aller davantage, puis de nous laisser porter sur ces émotions.