Les histoires nous appartiennent-elles ou appartenons-nous aux histoires?
Entretien avec Lisa Ndejuru
Les histoires nous appartiennent-elles ou appartenons-nous aux histoires?
Entretien avec Lisa Ndejuru
Je m’appelle Lisa, fille d’Aimable, fils de Pierre Claver, Mwene (qui signifie « fils de ») Ngwije, Mwene Karenzi, Mwene Gitondo, Mwene Karorero, Mwene Kivunangoma, Mwene Rwiru, Mwene Murahire, Mwene Nknogoli, Mwene Makara, Mwene Kiramira, Mwene Mucuzi, Mwene Nyantabana, Mwene Gahenda, Mwene Bugirande, Mwene Ngoga, Mwene Gihinira, Mwene Makara, Mwene Gahutu, Mwene Sergwega, Mwene Mututsi et Mwene Kigwa.
Ce sont les histoires d’une nation, d’un peuple. Et le fait que je doive porter cela en moi pour me rapprocher de ces histoires décrit en quelque sorte qui je suis. En même temps, pour beaucoup de gens, ces histoires sont obsolètes, sans importance : Elles parlent, mais que racontent-elles?
La culture rwandaise est orale. Ainsi les histoires ont été portées dans les corps, donc les familles ont porté en elles des fragments de ces histoires comme des gardiennes du savoir. Donc elles transmettaient ces histoires de génération en génération. On les appelait Ibitekerezo, du verbe gutekereza, ce qui signifie « des histoires qui accompagnent nos pensées ». On les utilisait dans des tribunaux afin d’éclairer des situations, pour ne pas oublier. Un chercheur colonial appelé Jan Vansina les a transcrites de 1957 à 1961, et depuis on les connaît sous le nom de Collection Vansina. C’est ainsi qu’on les conserve dans les archives.
Je suis née au Rwanda, mais j’ai grandi en Allemagne, puis ici à Tiohtià:ke, Montréal. Les histoires avec lesquelles on m’a élevé étaient Le petit chaperon rouge, Les trois petits cochons, et toutes ces histoires du même genre. Mais je n’avais jamais eu connaissance de mes propres histoires ou de celles d’où je venais. Mais je me demande ce que l’engagement envers ces histoires implique de nos jours, à l’ère contemporaine. Qu’est-ce que leur mise en scène de manière créative implique? Que réclamons-nous lorsque nous revendiquons notre indigénéité, notre légitimité? Au nom de quoi sommes-nous prêts à agir, en fait? Donc tout cela est une façon de penser avec les histoires et l’art.
« C’est ce en quoi mon travail consiste : avoir beaucoup de mains, d’oreilles, de yeux et de goûts différents et que tout cela rapproche de ces histoires. »
Lorsque j’effectue cette réfection avec de jeunes artistes noirs, des Rwandais, les questions changent : « Possédons-nous les histoires, ou est-ce elles qui nous possèdent? » Nous l’ignorons. Mais il y a quelque chose que l’on peut tirer de cette idée. Et en tant que conteuse, j’ai l’impression de marcher dans les traces de ce que je vois ou ressens, mais il y a des gens qui l’amènent à un autre niveau permettant de voir ou d’entendre. Puis tout d’un coup, cela imprègne nos sens de différentes façons. Ces angles différents — et c’est ce que l’art permet de faire — donnent vie de diverses manières. Donc c’est ce en quoi mon travail consiste : avoir beaucoup de mains, d’oreilles, de yeux et de goûts différents et que tout cela rapproche de ces histoires. J’espère qu’en compo-sant avec elles, en nous rapprochant d’elles, en les ramenant au corps et au récit, en les redonnant, en invitant d’autres artistes à participer à leur mise en scène (à visualiser) qu’une partie d’elles nous atteigne et nous permette de renouer des liens ou d’établir de nouveaux liens. Ces histoires ont toujours porté sur les liens. Elles racontent l’histoire de l’origine qui remonte à bien plus loin dans le passé. Donc, on ne les a pas toutes créées en même temps. Ce sont ces histoires qui ont permis la mise en œuvre de ce travail de connexion.
Le Rwanda a connu un génocide en 1994, et ce n’était pas la première fois qu’on tentait d’exterminer ce peuple. Écraser les histoires et la valeur de tout ce qui vient du passé est une façon de tuer, de ronger un peuple. Donc lorsque je réveille ces histoires, j’essaye de les mettre en valeur. Je mets en valeur ce qui fait partie de nous, et je veux que nous nous tenions debout et que nous formions un seul peuple.
Les histoires nous appartiennent-elles ou appartenons-nous aux histoires?
Les histoires nous appartiennent-elles ou appartenons-nous aux histoires?
Entretien avec Lisa Ndejuru
Je m’appelle Lisa, fille d’Aimable, fils de Pierre Claver, Mwene (qui signifie « fils de ») Ngwije, Mwene Karenzi, Mwene Gitondo, Mwene Karorero, Mwene Kivunangoma, Mwene Rwiru, Mwene Murahire, Mwene Nknogoli, Mwene Makara, Mwene Kiramira, Mwene Mucuzi, Mwene Nyantabana, Mwene Gahenda, Mwene Bugirande, Mwene Ngoga, Mwene Gihinira, Mwene Makara, Mwene Gahutu, Mwene Sergwega, Mwene Mututsi et Mwene Kigwa.
Ce sont les histoires d’une nation, d’un peuple. Et le fait que je doive porter cela en moi pour me rapprocher de ces histoires décrit en quelque sorte qui je suis. En même temps, pour beaucoup de gens, ces histoires sont obsolètes, sans importance : Elles parlent, mais que racontent-elles?
La culture rwandaise est orale. Ainsi les histoires ont été portées dans les corps, donc les familles ont porté en elles des fragments de ces histoires comme des gardiennes du savoir. Donc elles transmettaient ces histoires de génération en génération. On les appelait Ibitekerezo, du verbe gutekereza, ce qui signifie « des histoires qui accompagnent nos pensées ». On les utilisait dans des tribunaux afin d’éclairer des situations, pour ne pas oublier. Un chercheur colonial appelé Jan Vansina les a transcrites de 1957 à 1961, et depuis on les connaît sous le nom de Collection Vansina. C’est ainsi qu’on les conserve dans les archives.
Je suis née au Rwanda, mais j’ai grandi en Allemagne, puis ici à Tiohtià:ke, Montréal. Les histoires avec lesquelles on m’a élevé étaient Le petit chaperon rouge, Les trois petits cochons, et toutes ces histoires du même genre. Mais je n’avais jamais eu connaissance de mes propres histoires ou de celles d’où je venais. Mais je me demande ce que l’engagement envers ces histoires implique de nos jours, à l’ère contemporaine. Qu’est-ce que leur mise en scène de manière créative implique? Que réclamons-nous lorsque nous revendiquons notre indigénéité, notre légitimité? Au nom de quoi sommes-nous prêts à agir, en fait? Donc tout cela est une façon de penser avec les histoires et l’art.
« C’est ce en quoi mon travail consiste : avoir beaucoup de mains, d’oreilles, de yeux et de goûts différents et que tout cela rapproche de ces histoires. »
Lorsque j’effectue cette réfection avec de jeunes artistes noirs, des Rwandais, les questions changent : « Possédons-nous les histoires, ou est-ce elles qui nous possèdent? » Nous l’ignorons. Mais il y a quelque chose que l’on peut tirer de cette idée. Et en tant que conteuse, j’ai l’impression de marcher dans les traces de ce que je vois ou ressens, mais il y a des gens qui l’amènent à un autre niveau permettant de voir ou d’entendre. Puis tout d’un coup, cela imprègne nos sens de différentes façons. Ces angles différents — et c’est ce que l’art permet de faire — donnent vie de diverses manières. Donc c’est ce en quoi mon travail consiste : avoir beaucoup de mains, d’oreilles, de yeux et de goûts différents et que tout cela rapproche de ces histoires. J’espère qu’en compo-sant avec elles, en nous rapprochant d’elles, en les ramenant au corps et au récit, en les redonnant, en invitant d’autres artistes à participer à leur mise en scène (à visualiser) qu’une partie d’elles nous atteigne et nous permette de renouer des liens ou d’établir de nouveaux liens. Ces histoires ont toujours porté sur les liens. Elles racontent l’histoire de l’origine qui remonte à bien plus loin dans le passé. Donc, on ne les a pas toutes créées en même temps. Ce sont ces histoires qui ont permis la mise en œuvre de ce travail de connexion.
Le Rwanda a connu un génocide en 1994, et ce n’était pas la première fois qu’on tentait d’exterminer ce peuple. Écraser les histoires et la valeur de tout ce qui vient du passé est une façon de tuer, de ronger un peuple. Donc lorsque je réveille ces histoires, j’essaye de les mettre en valeur. Je mets en valeur ce qui fait partie de nous, et je veux que nous nous tenions debout et que nous formions un seul peuple.
personne interviewée
Lisa Ndejuru
réalisateur et monteur
Abdurahman Hussain
Directeur de la photographie
Nick Jewell
Direction créative
Peter Farbridge et Crystal Chan
Musique
Unicorn Heads ; The Mini Vandals avec Mamadou Koita et Lasso
images
Courtoisie de Lisa Ndejuru
Je m’appelle Lisa, fille d’Aimable, fils de Pierre Claver, Mwene (qui signifie « fils de ») Ngwije, Mwene Karenzi, Mwene Gitondo, Mwene Karorero, Mwene Kivunangoma, Mwene Rwiru, Mwene Murahire, Mwene Nknogoli, Mwene Makara, Mwene Kiramira, Mwene Mucuzi, Mwene Nyantabana, Mwene Gahenda, Mwene Bugirande, Mwene Ngoga, Mwene Gihinira, Mwene Makara, Mwene Gahutu, Mwene Sergwega, Mwene Mututsi et Mwene Kigwa.
Ce sont les histoires d’une nation, d’un peuple. Et le fait que je doive porter cela en moi pour me rapprocher de ces histoires décrit en quelque sorte qui je suis. En même temps, pour beaucoup de gens, ces histoires sont obsolètes, sans importance : Elles parlent, mais que racontent-elles?
La culture rwandaise est orale. Ainsi les histoires ont été portées dans les corps, donc les familles ont porté en elles des fragments de ces histoires comme des gardiennes du savoir. Donc elles transmettaient ces histoires de génération en génération. On les appelait Ibitekerezo, du verbe gutekereza, ce qui signifie « des histoires qui accompagnent nos pensées ». On les utilisait dans des tribunaux afin d’éclairer des situations, pour ne pas oublier. Un chercheur colonial appelé Jan Vansina les a transcrites de 1957 à 1961, et depuis on les connaît sous le nom de Collection Vansina. C’est ainsi qu’on les conserve dans les archives.
Je suis née au Rwanda, mais j’ai grandi en Allemagne, puis ici à Tiohtià:ke, Montréal. Les histoires avec lesquelles on m’a élevé étaient Le petit chaperon rouge, Les trois petits cochons, et toutes ces histoires du même genre. Mais je n’avais jamais eu connaissance de mes propres histoires ou de celles d’où je venais. Mais je me demande ce que l’engagement envers ces histoires implique de nos jours, à l’ère contemporaine. Qu’est-ce que leur mise en scène de manière créative implique? Que réclamons-nous lorsque nous revendiquons notre indigénéité, notre légitimité? Au nom de quoi sommes-nous prêts à agir, en fait? Donc tout cela est une façon de penser avec les histoires et l’art.
« C’est ce en quoi mon travail consiste : avoir beaucoup de mains, d’oreilles, de yeux et de goûts différents et que tout cela rapproche de ces histoires. »
Lorsque j’effectue cette réfection avec de jeunes artistes noirs, des Rwandais, les questions changent : « Possédons-nous les histoires, ou est-ce elles qui nous possèdent? » Nous l’ignorons. Mais il y a quelque chose que l’on peut tirer de cette idée. Et en tant que conteuse, j’ai l’impression de marcher dans les traces de ce que je vois ou ressens, mais il y a des gens qui l’amènent à un autre niveau permettant de voir ou d’entendre. Puis tout d’un coup, cela imprègne nos sens de différentes façons. Ces angles différents — et c’est ce que l’art permet de faire — donnent vie de diverses manières. Donc c’est ce en quoi mon travail consiste : avoir beaucoup de mains, d’oreilles, de yeux et de goûts différents et que tout cela rapproche de ces histoires. J’espère qu’en compo-sant avec elles, en nous rapprochant d’elles, en les ramenant au corps et au récit, en les redonnant, en invitant d’autres artistes à participer à leur mise en scène (à visualiser) qu’une partie d’elles nous atteigne et nous permette de renouer des liens ou d’établir de nouveaux liens. Ces histoires ont toujours porté sur les liens. Elles racontent l’histoire de l’origine qui remonte à bien plus loin dans le passé. Donc, on ne les a pas toutes créées en même temps. Ce sont ces histoires qui ont permis la mise en œuvre de ce travail de connexion.
Le Rwanda a connu un génocide en 1994, et ce n’était pas la première fois qu’on tentait d’exterminer ce peuple. Écraser les histoires et la valeur de tout ce qui vient du passé est une façon de tuer, de ronger un peuple. Donc lorsque je réveille ces histoires, j’essaye de les mettre en valeur. Je mets en valeur ce qui fait partie de nous, et je veux que nous nous tenions debout et que nous formions un seul peuple.